C’est une enveloppe de près de 200 millions d’euros qui a été instaurée à l’été 2021 pour venir en aide aux TPE et PME engagées dans une démarche de développement durable et de transition énergétique et renouvelée par le Parlement pour l’année 2022. L’objectif ? Favoriser le développement de projets durables en entreprise à travers, notamment, un crédit d’impôts pour des investissements de rénovation de bâtiments, des aides fournies par l’Agence de la Transition écologique (Ademe). D’autres soutiens existent. Des formations s’imposent. Il est temps pour les chef·fes d’entreprise de se mettre au vert.
À offres équivalentes, 78 % des salarié·es choisiraient de rejoindre une entreprise engagée pour la transition écologique. 42 % des salarié·es souhaiteraient changer de métier ou se reconvertir pour exercer un emploi plus en lien avec l’écologie
Il existe des aides spécifiques aux TPE et PME pour encourager les audits de transition et les projets d’écoconception. Mais c’est un budget plus global de 30 milliards d’euros qui est consacré à la transition écologique dans le plan France Relance. « Ce que je veux faire comprendre, c’est que la transition n’est pas réservée à des start-up. Au contraire, la transition a besoin de toutes les entreprises pour réussir. Chacun à un rôle à jouer », avait lancé Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, au moment de l’annonce de la dotation pour les PME et les TPE. Et pour cause. Si les grands groupes et une partie des ETI connaissent des obligations d’intégration de RSE – Responsabilité sociale des entreprises –, il n’en est rien pour les entreprises de taille plus réduite. Elles dont on peut imaginer qu’elles manquent parfois de moyens pour engager des plans de grande envergure alors que leur impact environnemental n’est pas négligeable.
Ces quelque 3,8 millions d’entreprises représentent à elles seules 9 % des émissions de gaz à effet de serre en France, selon une étude du Conseil économique, social et environnemental. La même étude révélait, en 2018, que seules 10 % des PME françaises avaient réalisé un bilan carbone pour analyser leur impact environnemental. « L’expérience des entreprises les plus avancées montre les bénéfices que les TPE-PME retirent d’une démarche de neutralité carbone et la dynamique positive qui peut en résulter, détaillent Stéphanie Goujon et Antoine Bonduelle, auteurs du rapport : amélioration de la compétitivité, réduction des coûts internes, mobilisation des personnels de l’entreprise ou encore facteur de différenciation et d’image en phase avec les aspirations des citoyennes et citoyens à une consommation plus durable. » Du côté de la marque employeur, les questions de transition écologique et de durabilité représentent un vrai intérêt pour les candidat·es.
Préoccupations énergétiques
À ce titre, une étude menée par l’Institut CSA pour LinkedIn et l’Ademe illustre l’intérêt des salarié·es pour ces enjeux énergétiques. Alors, à offres équivalentes, 78 % des salarié·es choisiraient de rejoindre une entreprise engagée pour la transition écologique. C’est la deuxième préoccupation principale des employé·es, et même la première pour les moins de 35 ans. La même étude, réalisée au printemps 2021, montrait même qu’à plus long terme, 42 % des salarié·es souhaiteraient changer de métier ou se reconvertir pour exercer un emploi plus en lien avec l’écologie. Du côté de l’arsenal législatif, parfois incitatif pour engager des ruptures profondes dans les habitudes entrepreneuriales, si la RSE n’est pas une obligation pour les plus petites entreprises, plusieurs textes de loi s’appliquent tout de même à ces structures quelle que soit leur taille.
En témoigne le décret tertiaire, inscrit en France dans le cadre de la loi Élan. Il fixe des objectifs en termes de réduction de consommation énergétique des bâtiments de plus de 1 000 mètres carrés utilisés dans le secteur tertiaire. « Cette loi fut un vrai accélérateur pour les entreprises puisqu’à partir de septembre 2022 toutes les consommations des bâtiments devront être déclarées », constate Julien Meriaudeau, président et cofondateur d’Ubigreen. Cette entreprise propose un accompagnement concret à toutes les entreprises qui souhaitent analyser l’efficacité énergétique de leurs bâtiments. « Nous proposons à nos clients une plate-forme logicielle qui analyse chaque poste de dépense énergétique et quantifie la consommation énergétique des bâtiments, détaille l’entrepreneur. Notre objectif est véritablement de rendre les bâtiments de nos clients plus écoresponsables. »
Se lancer dans la transition
Mais le sentiment qui prédomine du côté des dirigeant ·es d’entreprise est souvent le flou et la difficulté à se lancer. Une étude menée par Bpifrance a montré que 80 % des dirigeant·es de TPE et de PME considèrent que le changement climatique appelle à une réaction d’urgence, mais paradoxalement seuls 13 % d’entre eux·elles se disent capables de réduire leurs émissions de manière importante d’ici à cinq ans. « Les freins explicatifs sont nombreux, détaille l’étude. Le manque de moyens financiers, l’absence de technologie et le manque de reconnaissance client. » Pour aider les entreprises les plus petites à amorcer le début de cette transition écologique, un accompagnement a été mis en place par l’Ademe, le « tremplin pour la transition écologique des PME ».
Certains cabinets présents sur le marché se sont spécialisés dans les questions écologiques et climatiques. Ils proposent des accompagnements spécifiques, notamment pour l’obtention d’aides.
« L’objectif de ce guichet de premier niveau est de proposer une aide simple et rapide, complémentaire d’autres aides éventuelles, explique-t-on à l’Ademe. Tous les domaines de la transition seront pris en compte, du transport durable à l’économie circulaire en passant par les actions en lien avec l’énergie. » Les chambres de commerce et d’industrie représentent d’autres bonnes portes d’entrées pour trouver un accompagnement dans ces démarches de transition. Tout comme certains cabinets présents sur le marché se sont spécialisés dans les questions écologiques et climatiques. Ils proposent des accompagnements spécifiques, notamment pour l’obtention d’aides. Nous avons posé la question à l’un d’eux, le cabinet ekodev. « Notre objectif est de guider nos clients dans la compréhension et l’anticipation des mutations sociétales.
Nous les accompagnons dans l’intégration de ces enjeux, dans le pilotage de leur organisation, nous entamons une démarche RSE, de quoi innover et engager un véritable changement d’échelle pour la politique en question. » Dans le cadre du tremplin pour la transition écologique des PME, par exemple, le cabinet se propose d’accompagner les dirigeants à formuler les demandes d’aide et à identifier les actions les plus pertinentes à mener. Le secteur de la transition écologique est d’ailleurs devenu de plus en plus fructueux. En 2019, les entreprises de la transition écologique et numérique ont réalisé un chiffre d’affaires de plus de 20 milliards d’euros, en progression constante depuis…
L’enjeu de la formation
Mais un véritable levier semble, ces dernières années, assurer l’accélération des dynamiques de transition écologique dans les entreprises, quelle que soit leur taille. C’est la formation. « Ce que l’on observe généralement en entreprise c’est que les personnes qui sont en charge des questions de développement durable doivent passer leur temps à discuter et convaincre leurs collègues de la nécessité d’agir, dénonce Aurélien Decamps, fondateur de Sulitest, une entreprise spécialisée dans la formation aux enjeux de transition écologique.
Il y a un vrai gap aujourd’hui entre les collaborateurs qui sont très au fait des enjeux de développement durable et ceux qui n’y connaissent pas grand-chose. » Au sein de son organisme Sulitest, le maître mot est acculturation. « Nous proposons un ensemble de tests et d’outils qui s’adressent aussi bien aux étudiant·es qu’aux salarié·es d’entreprises. Ils ont pour but de les former aux enjeux du développement durable et de la transition écologique. » Un enjeu de formation à trois degrés d’intérêt.
« Les personnes qui sont en charge des questions de développement durable doivent passer leur temps à discuter et convaincre leurs collègues de la nécessité d’agir. »
Aurélien Decamps, Sulitest
D’abord, à hauteur des collaborateur·rices. Il s’agit de les former aux grands enjeux du développement durable, de leur donner une base commune de connaissances avant de les inciter à réfléchir aux outils à mettre en place concrètement pour améliorer leurs pratiques du quotidien. Second intérêt de la formation, celui du recrutement. « Aujourd’hui, bon nombre de candidat·es recherchent des entreprises dans lesquelles ils et elles travaillent un engagement fort en faveur de l’environnement. Chez Sulitest, nous faisons en sorte de donner de la visibilité à ce sujet dans le processus de recrutement. » C’est le cas de L’Oréal, par exemple, partenaire de l’initiative. L’entreprise déploie des quiz sur les actions RSE dans les universités où elle propose des opportunités de recrutement.
« Nous proposons à nos clients une plate-forme logicielle qui analyse chaque poste de dépense énergétique et quantifie la consommation énergétique des bâtiments. »
Julien Meriaudeau, Ubigreen
Troisième enjeu, celui du reporting. « Avec nos outils, les entreprises rendent compte plus facilement de toutes les initiatives mises en œuvre en faveur de l’environnement. L’objectif des outils que nous déployons est d’opérer un véritable déclic grâce auquel la direction et les collaborateurs vont prendre conscience de l’importance de ces enjeux de développement et mettre en place davantage de mesures pour affronter les défis environnementaux. »
Voyager pour comprendre
Cet objectif de formation est tout autant l’affaire de l’Ihest, Institut des hautes études pour la science et la technologie. Sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, cet organisme diffuse la culture scientifique et technique auprès des cadres dirigeant·es. Et depuis quelques années, l’institut a développé une formation autour de la thématique des transformations écologiques. « Nous proposons à une dizaine de cadres dirigeants des secteurs privés et publics de suivre durant plusieurs mois une formation certifiante, avec trois jours de cours par mois et un voyage de six semaines pour se former à ces enjeux », explique Sylvane Casademont, directrice de l’institut.
Cadres du public et du privé se mélangent pour suivre des séminaires programmés sur les questions de ressources matérielles, humaines, le rôle des entreprises et des institutions, les aspects législatifs, bien d’autres aspects. « Notre idée est de dire que la transition écologique passera par les cadres dirigeants et qu’il faut donc qu’ils et elles soient le mieux formé·es possibles et en contact avec des scientifiques de haut niveau sur ces questions.» Formation, accompagnement, acculturation : si la transition vers une économie plus écologique est bien engagée, elle passe, à n’en pas douter par un dialogue renoué entre les parties prenantes.
Guillaume Ouattara