La transition ne réussira que par la volonté des dirigeant·es, créateur·rices, startupeurs de changer de modèles. À elle seule, l’industrie manufacturière est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France (25,8 % pour l’ensemble du secteur industriel et tertiaire). Les pouvoirs publics et les collectivités l’ont bien compris : aides, lois, programmes spécifiques canalisent l’activité pour « formater » l’entreprise. Les passages à l’acte se multiplient sous l’effet d’un arsenal toujours plus « incitatif ».

Les entreprises passent au vert, portées par des acteurs industriels et économiques pleinement engagés dans la transition écologique et énergétique (TEE). Surtout, les plans et actions publiques pour accélérer cette mutation des entreprises se multiplient : Accord de Paris, Plan d’accélération de la transition écologique des TPE et PME, Plan Climat de Bpifrance et de la Banque des territoires, Plan France Relance… Des efforts indispensables, à la vue de la répartition des émissions de gaz à effet de serre en France (en équivalent CO2) : les transports sont la première source de pollution (29,7 %), devant le secteur industriel et tertiaire (25,8 %), l’agriculture (18,9 %), les activités domestiques (11,7 %), l’énergie (10,9 %) et les déchets (3 %), selon une étude du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa).

Dans ce contexte marqué par une urgence climatique qui concerne tout un chacun, les entreprises prennent conscience de l’enjeu. Mieux, les politiques environnementales et les initiatives qui en découlent ont ouvert la voie au développement de nouvelles filières porteuses et créatrices d’emplois : traitement de l’eau, prévision des risques environnementaux, performance énergétique des bâtiments, production d’énergies renouvelables, traitement des déchets, protection des espaces naturels… Autant de secteurs pionniers d’une nouvelle « éco-industrie » qui se développe.

En revanche, si les secteurs « verts » ont le vent dans le dos, la transition du reste des entreprises – hors des secteurs directement liés à l’environnement – commence à peine. Selon une étude Bpifrance Le Lab de 2020, 80 % des dirigeant·es de PME et ETI considèrent que le changement climatique appelle à une réaction d’urgence et 86 % se sentent concerné·es par les objectifs mondiaux de baisse des émissions carbone. Mais, et c’est là que le bât blesse, seuls 13 % ont indiqué avoir prévu de réduire leurs émissions de façon importante dans les cinq prochaines années. Autrement dit, les réponses pleines de prise de conscience relèvent plus de l’avis du·de la citoyen·ne que de celui du·de la chef·fe d’entreprise.

 

Les freins de la transition

71 % des dirigeant·es qui estiment pouvoir réduire leurs émissions de carbone veulent le faire en investissant dans les nouvelles technologies.

Comment donc renverser la vapeur et faire basculer les entreprises vers l’engagement écologique ? L’étude de Bpifrance fournit de premières réponses, en dégageant les trois principaux facteurs qui freinent la prise d’initiative des dirigeant·es. En premier lieu : le manque de moyens financiers. Ou plutôt, le plus souvent, un manque de communication sur les dispositifs de soutien offerts aux industriels. Second frein : l’absence de technologies développées en France et le défaut d’information sur les solutions existantes. Un besoin primordial : 71 % des dirigeant·es qui estiment pouvoir réduire leurs émissions de carbone veulent le faire en investissant dans les nouvelles technologies.

Transformation numérique et TEE sont étroitement liées. Enfin, troisième frein : le manque d’accompagnement et le manque de reconnaissance client. Dit plus simplement, l’opacité du retour sur investissement des efforts de transition. La compétitivité reste l’alpha et l’oméga des entreprises. Là réside l’un des grands enjeux de la TEE des acteurs économiques. Il s’agit de multiplier les solutions vertes existantes et les financement adéquats pour faire d’une pierre deux coups : plus les dirigeant·es auront de choix et de possibilités facilement accessibles pour gérer leur transition, plus ils s’engageront. Pour le bien de l’environnement et le climat, mais aussi pour leur compétitivité et leur image. Une réponse aux besoins des entreprises que tentent d’apporter les collectivités via leurs multiples programmes de soutien et de financements partiels.

Les emplois dits « verdissants » rassemblent 4 millions de personnes en France, dont 19,2 % dans l’industrie.

En France, l’industrie représente quelque 3,6 millions d’emplois, soit 13,3 % de la population active. Autant dire que la transition du secteur vers des activités plus conscientes des enjeux écologiques et respectueuses de l’environnement est un défi XXL. D’autant plus qu’écologie rime également avec source d’emplois. Le pays compte aujourd’hui environ 150 000 emplois dits « verts » à impact direct sur l’environnement. Auxquels s’ajoutent les emplois dits « verdissants », soit des activités sans lien direct avec l’environnement, qui représenteraient 4 millions d’emplois en France, dont 19,2 % dans l’industrie, selon l’Ademe (Agence de la transition écologique). Voilà le grand défi : développer ces emplois « verdissants », en développant des projets de transition construits et raisonnés. À cette fin, nos régions sont particulièrement proactives. La plupart se proposent d’accompagner les forces vives de leurs territoires vers leur TEE.

 

La transition des industries, une affaire de collectivités

C’est en s’inspirant des idées et du concept de Jeremy Rifkin [théoricien de la troisième révolution industrielle qui doit transformer l’énergie, l’économie et le monde], que la région des Hauts-de-France a lancé son programme La 3e révolution industrielle en Hauts-de-France (rev3). Son objectif : transformer les défis climatiques et énergétiques en autant de chantiers de développement durable et de projets innovants pour les industries du territoire. Hisser la région en modèle de transition vers une société décarbonée et durable.

Le programme se fonde sur une gouvernance participative (territoriale et régionale) et, donc, un ancrage territoriale fort. En bref, la dynamique allie les démarches citoyennes et privées aux projets de territoire des collectivités locales. Avec en ligne de mire le développement durable des entreprises et la consolidation des filières d’avenir, comme l’émergence de nouvelles compétences et de nouveaux métiers pour réconcilier économie et environnement. La région coanime le tout au côté de la Chambre de commerce et d’industrie régionale (CCIR). Start-up, TPE et PME ou grand groupe, les équipes des collectivités accompagnent tout type d’entreprise dans leur recherche de solutions vertes et vers les outils financiers dédiés.
Parmi les sources de financement, on retrouve : le Fonds régional d’amplification de la 3e révolution industrielle (Fratri), dédié à l’efficacité énergétique de l’entreprise et doté de 24 millions d’euros. Le Fonds européen pour le développement régional (Feder), mobilisable pour accompagner des projets liés à l’économie circulaire ou encore au stockage CO2. Enfin le Cap3RI, un fonds de 40,5 millions d’euros d’accompagnement des entreprises porteuses de projets inscrits dans les objectifs du rev3 (énergies renouvelables, gestion de l’énergie et réseaux intelligents, mobilité intelligente, efficacité énergétique et économie circulaire).

Et les Hauts-de-France ne constituent pas une exception régionale. Chaque territoire prépare sa transition.

Adam Belghiti Alaoui

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