Il a été élu maire d’Annecy, le chef-lieu de Haute-Savoie en 2020, avec seulement 27 voix d’avance. François Astorg, écologiste indépendant, incarne à sa manière la vague verte qui a déferlé sur les agglomérations françaises lors des dernières municipales. Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Tours, Poitiers, Besançon… Les grandes villes ont fait confiance aux écologistes. Pour quels résultats et surtout quelles transformations ? Éléments de réponse avec l’édile de la « perle des Alpes ».

Vous avez été élu en 2020 sur une liste écologiste et citoyenne qui se voulait loin des enjeux partisans. Pourquoi ?

Je ne suis plus encarté à Europe Écologie Les Verts. Je l’ai été. Je suis et je reste un écologiste, EELV est ma famille de cœur. Je suis parti parce que certains modes de fonctionnement ne me plaisent pas et surtout car j’ai la conviction qu’il faut dépasser nos lignes pour répondre au défi climatique. C’est dans ce sens-là que nous avons voulu faire campagne, en plaçant le projet avant le candidat. Le tout hors clivage, hors parti, hors étiquette.

Loin des polémiques souvent stériles sur le sapin de Noël ou le Tour de France, à Annecy, vous faites le choix d’une approche moins idéologique et au fond plus conciliante de la chose publique. Vous qualifier d’écologiste « à l’allemande » serait-il aller trop loin ?

Ma femme est allemande ! Ça ne me dérange pas. Plus sérieusement, la ligne de conduite consiste bien à placer le projet avant tout. Lorsque l’on met la politique devant, on n’est plus en condition de mener des projets opérationnels. Toujours partir du projet. Tout est structuré autour de nos « quatre piliers ». La transition. Le renouveau démocratique. La justice sociale. Le développement de l’économie locale. Toutes nos politiques sont passées au travers de ce tamis et nous visons une approche transversale – même si elle n’est pas toujours possible.

Le 4 juillet 2020, vous devenez maire d’Annecy. Lorsque l’on est comme vous un écologiste et que l’on devient maire, quels sont les premiers changements à mener face à l’urgence ? Qu’est-ce qui change ?

Le changement est dans les têtes. Voilà 70 ans que nous n’avions pas eu de réelle alternance à Annecy. Le référentiel politique, pour Annecy, est très orienté vers le centre droit et la démocratie chrétienne. Ce qui change déjà, c’est notre majorité composite. Dans notre équipe, nous réunissons des gens qui viennent de la société civile, dans une approche citoyenne. Et puis d’autres étaient plutôt socialistes, d’autres plutôt écologistes, d’autres issus du centre droit… J’ai également réduit le poids de l’administration pour évoluer dans un système plus agile, en passant de huit à cinq directions générales. Et puis nous avons lancé le projet de mandat pour concrètement transformer nos idées en réalisations formelles de terrain.

Quelles sont vos grandes priorités ?

L’aménagement du territoire, la jeunesse et le budget participatif. Nous avons voulu rendre aux habitants la possibilité d’influer sur les décisions publiques grâce à une enveloppe budgétaire d’un million d’euros, afin de redonner à une population l’habitude d’être sollicitée sur des projets. Nous avons reçu 320 idées citoyennes que nous avons filtrées pour aboutir à une centaine de propositions concrètes laissées au libre choix des habitants. De l’installation d’un poulailler dans une école à de gros projets comme Cinquante nuances de vert, qui constitue l’aménagement végétalisé d’une grande place d’Annecy. Réimpliquer le citoyen dans les décisions sera un processus très long mais décisif.

Autre changement à fort impact : le référentiel du « bien construire ».

L’objectif est de passer d’un urbanisme juridique formel, où le promoteur arrive et demande son permis de construire, à un urbanisme de projets, où le promoteur vient nous voir directement pour aboutir à un projet en commun. Nous avons des exigences sur la qualité de vie, des appartements traversants, des matériaux biosourcés, des commerces ou lieux de vie au rez-de-chaussée, des îlots de fraîcheur, des sources d’énergie sur le bâtiment, un minimum de 33 % de logements sociaux… Une fois cette étape dépassée, la question du permis de construire ne se pose même plus puisque nous avons conçu le projet en commun ! Nous retrouvons alors notre stratégie des « quatre piliers ». Et là encore nous passons de l’idéologie au bon sens.

L’immobilier, très cher à Annecy, n’est-il pas le premier souci des habitants ?

C’est un vrai problème. Les prix très élevés font que nos entreprises, commerçants et artisans ont du mal à recruter. Nous, à la ville, avons le même souci, par exemple sur la police municipale, qui ne compte qu’une soixantaine d’agents alors que nous devrions en avoir 80. Et même problème sur la petite enfance. Notre voisinage avec la Suisse n’aide pas sur ce point… Et comme nous sommes une ville magnifique avec un développement économique très fort, presque au plein-emploi, tout le monde veut venir et ils ont bien raison. Seulement, nous voilà victimes de notre succès. Airbnb est un véritable accélérateur à effets pervers : nous en sommes à 3 200 logements de meublés de tourisme qui eux aussi font monter les prix.

Comment parvenez-vous à organiser la cohabitation des mobilités entre automobiles, cyclistes, piétons et transports en commun ? L’équation, dans certaines villes, paraît très délicate…

Il n’y a pas de bouchons à Annecy ! La mobilité est une priorité dans la transition. Je suis également vice-président en charge des infrastructures et des transports au sein du Grand Annecy. Il faut comprendre que pendant plus de vingt ans, c’est une politique quasi culturelle autour de la voiture qui a été décidée. Tout est calculé pour la voiture ! Il faut changer pour mettre en place les équipements qui aident les gens à prendre moins souvent la voiture.

Nous avons décidé la mise en place d’un réseau primaire de transports en commun à énergie propre. Les personnes qui sont dans la voiture, tant qu’elles ne verront pas un équipement, tramway ou bus, aller plus vite, ne vont pas beaucoup changer de comportement. On travaille aussi sur le vélo : en deux ans, nous sommes devenus la quatrième ville de France en matière de pistes cyclables. Nous avons densifié le réseau pour passer du « vélo sport » qui existait depuis longtemps à Annecy pour aller vers du vélo de déplacement. Chaque été désormais, nous mettons à disposition des bus et des vélos gratuits pour offrir une alternative à la voiture lors de la saison touristique. La gratuité de l’été dernier nous a permis d’économiser 150 tonnes de CO2.

Et sur la sécurité ? Quelle est votre philosophie ?

Nous sommes le résultat d’une fusion de six communes. Chacune des anciennes villes a sa singularité pour mettre en œuvre une ville aujourd’hui multipolaire. La question de la sécurité doit s’orchestrer autour de la tranquillité et la sécurité publique. Je ne suis pas dogmatique antisécuritaire, mais je ne suis pas davantage dogmatique sécuritaire. La sécurité est avant tout un problème de contexte et de perceptions multifactorielles. Elles peuvent être internationales : comment vais-je faire pour me chauffer face aux menaces sur l’énergie ? On est aussi en sortie covid.

Et puis de manière plus directe, dans mon environnement, est-ce que le mobilier urbain est bien, est-ce qu’il y a de la végétalisation, est-ce que je me sens bien dans mon quartier ? Tout aboutit à un sentiment positif ou négatif. Pour mettre en œuvre le tout, j’ai relancé le conseil local de la sécurité et de la prévention de la délinquance qui réunit l’ensemble des acteurs. Gendarmerie nationale, police nationale, police municipale, procureur. Plus toutes les associations d’insertion, les bailleurs sociaux, le personnel médical… Il fallait relancer cette instance car dans la foulée de la fusion des communes, tout était parti en désuétude. Le dialogue est impératif pour diriger la 29e commune de France, issue de la fusion, en 2017, de six municipalités !

Propos recueillis par Valentin Gaure

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