C’est le troisième secteur économique mondial après la chimie et les carburants. Le tourisme, en 2019, contribuait à hauteur de 10 % du produit intérieur brut (PIB) mondial.
Après un essoufflement lors de la crise sanitaire, le secteur renoue doucement avec ses chiffres d’avant pandémie, avec 960 millions de touristes internationaux en 2022. Le tourisme c’est bien. Le surtourisme en revanche, nombre de territoires n’en veulent plus !

Quand les gens ont cette possibilité de voyager, en majorité, ils partent un peu près tous au même endroit. « Les destinations phares, on les connaît : la Grèce, l’Espagne, l’Afrique du Nord […] Elles possèdent les deux principaux atouts recherchés par les touristes : des prix accessibles et du soleil ! », nous confie Sophie Lacour, docteure en sciences de l’information et de la communication et directrice générale d’Advanced Tourism. De là, des lieux très prisés ont basculé dans le surtourisme – ou « overtourisme » – soit le phénomène de saturation des sites touristiques par un nombre croissant de visiteurs.

L’impact du surtourisme sur les populations locales….

Au-delà des chiffres, pour Sophie Lacour, le surtourisme est avant tout une affaire de ressenti : « C’est subjectif et lié au temps. Une personne qui fait la queue trois heures pour visiter la place Saint-Marc à Venise… c’est du surtourisme. Même chose pour les habitants voisins d’un lac du Morvan qui ont vu 50 voitures débarquer sur un parking de 20 places […] Les locaux s’en prenaient aux touristes pour qu’ils s’en aillent », relève notre experte. Si l’on se penche sur Venise, effectivement près de 30 millions de personnes visitent la ville chaque année, quand celle- ci ne compte que 55 000 Vénitiens. Soit une proportion de 545 touristes par habitant.

Ajoutons à cette notion de subjectivité, la temporalité. On ne parle de surtourisme qu’à des périodes précises dans l’année. Et durant ces moments-là, la vie locale se retrouve complètement bouleversée. Souvent, la venue massive de touristes entraîne des rues et transports surchargés, des nuisances sonores, des plages bondées, etc.

Qui dit surtourisme dit aussi multiplication d’hôtels et d’hébergements touristiques… en découle mécaniquement une pénurie de logements pour les habitants. Et évidemment une hausse des prix de l’immobilier. Donc le surtourisme détériore non seulement la qualité de vie des locaux mais les pousse même parfois à se déplacer. Le tourisme de masse accentue la gentrification, comprenez le départ des classes populaires des centres-villes au profit d’une classe sociale plus aisée.

… Et sur l’environnement

L’overtourisme amène aussi à une surconsommation des ressources naturelles. « La consommation d’eau des touristes, par rapport aux locaux, c’est une catastrophe… entre les piscines et les douches à répétition […] Dès lors que l’on est ailleurs, on se comporte différemment, parce qu’on y est anonyme », pointe Sophie Lacour. Comment ne pas mentionner aussi l’accumulation de déchets qui polluent la nature ? D’après un rapport de WWF, en mer Méditerranée 52 % des détritus seraient liés au tourisme balnéaire.

S’ajoute également à ces effets néfastes la pollution des eaux et sols. Exemple aux Philippines qui, en 2018, n’ont pas eu d’autre choix que de fermer six mois l’île de Boracay aux touristes. La raison ? Les hôtels à proximité déversaient leurs eaux usées directement dans la mer. Le surtourisme, c’est aussi la destruction des écosystèmes et la disparition de la biodiversité.

Le rôle des réseaux sociaux

Les jeunes générations nous paraissent fortement engagées sur la question écologique et environnementale. Et pourtant, ce sont parfois les mêmes qui voyagent en avion à l’étranger pour quelques jours. N’est-ce pas paradoxal ? « Non, il s’agit d’une dissonance cognitive […] Il y a des âges où nous sommes très sensibles à la mode, cela fonctionne pour les vêtements mais aussi pour les voyages, vous avez des endroits où il faut aller parce que c’est dans l’ère du temps, parce qu’on ne voit que ces destinations-là défiler sur les réseaux sociaux », défend Sophie Lacour.

Les influenceurs ont donc un rôle, indispensable, à jouer. Et se doivent de ne plus encourager les jeunes générations à voyager de manière irresponsable. Ce qui est valorisé doit changer, non ce n’est pas forcément super de partir trois jours à Dubaï ! Cela prendra du temps, d’autant plus que certains ont adopté une démarche de « revenge travel », cette volonté de rattraper le temps perdu pendant la longue parenthèse Sars-CoV-2 et donc de voyager beaucoup plus qu’ils ne l’auraient fait normalement. Geoffrey Wetzel

• un livre

Réinventer (vraiment) le tourisme
Rémy Knafou, éditions du Faubourg

Après son ouvrage Réinventer le tourisme, qui a fait date, l’auteur et géographe élargit sa réflexion et ses propositions pour sauver nos vacances sans détruire le monde. Pour Rémy Knafou, la crise covid-19 devait permettre le basculement dans le monde d’après, avec un tourisme plus durable et responsable. La pandémie passée, il n’en est rien. Et pourtant, c’est maintenant qu’il faut agir.

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