Le nucléaire en France, un pas en avant, deux pas en arrière

La renaissance du nucléaire français. En février, lors de son déplacement à Belfort, dans le territoire 90 du même nom, pour présenter sa feuille de route énergétique, Emmanuel Macron a remis une pièce dans la machine à vapeur générée par l’atome. La France, depuis les choix gaulliens dictés par l’indépendance, « bénéficie » d’une énergie électrique autonome, mais dangereusement polluante par ses déchets. La balance penche vers le…

Le nucléaire, comme on le nomme, représente 70 % de la production française d’électricité. Avantage premier, il ne pèse rien en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Inconvénient premier, c’est l’ensemble de son cycle de vie qui inquiète. Notamment l’abondance des déchets radioactifs qu’il génère… et dont on ne sait, pour certains, que faire ! En parallèle, les centrales nucléaires, pour leur bon fonctionnement, requièrent une consommation colossale d’eau. Pour peser le pour et le contre, le raisonnement binaire ne tient pas – difficile dans une société où l’on se doit de choisir son camp. Une certitude : il s’agit de chauffer un liquide caloporteur pour produire de la vapeur. L’atome comme énergie de bouilloire…

Pas d’émissions de CO2 pour le nucléaire

Le Président de la République Emmanuel Macron – du moins toujours en poste à l’heure de publication – a opéré un virage à 360 degrés sur le nucléaire. Lorsqu’il est candidat à l’élection présidentielle de 2017, Macron souhaite, dans le sillage de François Hollande, réduire la production électrique de la part du nucléaire de 50 %. Puis, en février, revirement : il annonce la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires et la création d’au moins six nouveaux réacteurs EPR2. Cette volte-face se fera-t-elle au détriment de l’environnement ? Tout dépend des critères pris en compte. D’abord, le nucléaire se présente comme l’une des énergies les moins émettrices de gaz à effet de serre.

À la grande surprise des Français·es : d’après une étude BVA réalisée en avril 2019, 69 % des sondé·es pensent que le nucléaire contribue au contraire à la production de gaz à effet de serre ! Une énergie propre ? Sur ce point oui, « s’il devait être remplacé en totalité par du charbon, les émissions françaises de CO2 doubleraient, et s’il devait être remplacé en totalité par du gaz, elles augmenteraient quasiment de moitié. Même un ensemble 50 % ENR (énergies renouvelables) et 50 % gaz les augmenterait d’un quart », écrivait en 2020 sur son blog le président du Shift Project*, Jean-Marc Jancovici.

Autre atout, le nucléaire participerait au projet d’indépendance énergétique de la France. C’était à l’époque l’objectif de Valéry Giscard d’Estaing, après le Général de Gaulle : doter l’hexagone d’un parc nucléaire pour réduire sa dépendance aux importations de pétrole, d’autant plus après la crise pétrolière de 1973. Son programme, lancé en 1974, allait aboutir à la construction de 45 centrales de production d’électricité d’origine nucléaire. L’on peut parler d’indépendance énergétique, mais cette assertion sera de moins en moins vraie au fil des années. Et pour cause…

Indépendance compromise, consommation d’eau et déchets radioactifs inquiétants

La production française d’uranium naturel se porte bien dans les années 1980. Mais depuis, fléchit sévèrement. Plus le choix, le pays commence à importer – depuis le début des années 2000, « l’uranium utilisé pour les centrales nucléaires françaises est entièrement importé, même s’il est souvent ensuite enrichi en France », précise Le Monde. De l’uranium qui vient du Kazakhstan, d’Australie, du Niger ou encore d’Ouzbékistan. Indépendance partielle donc…

Autre limite du bénéfice nucléaire, une consommation excessive d’eau, l’une des principales critiques que formulent les écologistes pour sortir du four atomique. Des quantités colossales d’eau servent notamment à refroidir les réacteurs, produire de la vapeur pour actionner la turbine et même disposer de réserves de sécurité. Un rapport d’EDF le concède : « Annuellement, en moyenne, le volume d’eau nécessaire au fonctionnement du circuit de refroidissement d’un réacteur est compris entre 50 millions de mètres cubes (si le refroidissement est assuré par un aéroréfrigérant) et 1 milliard de mètres cubes (si l’eau est rejetée directement dans le milieu naturel), soit respectivement un besoin de 6 à 160 litres d’eau prélevés pour produire 1 kWh. » Enfin, affirmer que le nucléaire relève d’une énergie totalement verte reviendrait à négliger une partie de son cycle de vie. Et non des moindres… les déchets qu’il génère !

« Près d’un million de mètres cubes de déchets radioactifs qui proviennent de la production d’électricité nucléaire d’EDF s’accumulent déjà sur le territoire français », alerte l’ONG Greenpeace. Le destin des déchets radioactifs varie selon leur durée de vie et leur niveau de radioactivité. À titre d’exemple, les déchets de type faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) sont stockés dans des fûts en béton au sein du site de Soulaines, dans l’Aube. En réalité, l’extrême majorité des déchets radioactifs français disposent déjà d’une solution de stockage définitive, mais quid de la minorité dangereuse (les déchets les plus radioactifs et à vie longue) ? Le projet Ciguë (en Meuse et Haute- Marne), développé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pourrait y répondre puisqu’il constitue une solution de stockage profond. Mais en attendant, ces déchets très radioactifs restent, même après avoir été traités et incinérés, entreposés dans des colis en inox sur les sites où ces mêmes colis sont produits… Bref, intenable à long terme.

Geoffrey Wetzel

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