Non, l’hydrogène n’est pas la solution miracle pour le climat. Il ne faudrait pas – et on ne pourra pas – s’en servir comme on utilise aujourd’hui les énergies fossiles. Malgré tout, il reste une alternative sérieuse pour l’avenir. Tentons de comprendre pourquoi.

Les géants
du CAC 40
investissent
le secteur

Cette énergie connaît des limites, nombreuses, qui sont des freins son développement. Coût de rendement ? Très élevé, on voit mal comment le rendre abordable.
Disponibilité ? Grande, mais difficile à exploiter. Sécurité ? Pas au rendez-vous, sa réaction explosive pourrait nous en cuir et provoquer des catastrophes. La recherche doit encore progresser. Mais pour autant, gardons-nous de tout défaitisme ; si cette énergie n’est pas parfaite, elle recèle des avantages puissants, vigoureux.

TotalEnergies : la mutation d’un titan

D’abord, il faut saluer les initiatives qui portent cette énergie au plus haut. L’actualité en regorge. Le 14 septembre, TotalEnergies lançait un appel d’offres record en faveur de l’hydrogène vert. Notons qu’on différencie le vert (issu du biométhane ou de l’eau) de l’hydrogène dit gris (issu du méthane, très polluant). Pour rappel, aujourd’hui 95 % de la production mondiale d’hydrogène est « grise ».

TotalEnergies veut changer la donne. Il s’agit de verdir 500 000 tonnes par an, sur les territoires européens. Une nouvelle filière qui sera forcément synonyme d’emplois qualifiés et nouveaux. « Ce que nous voulons faire, c’est décarboner notre industrie », indique Sébastien Bruna, directeur hydrogène au sein de la branche raffinage Chimie, chez TotalEnergies. Le géant français veut décarboner ses six raffineries (trois en France – Normandie, Donges et Feyzin – une en Belgique, une en Allemagne et une aux Pays-Bas) et poursuivre l’effort sur ses deux bioraffineries de La Mède et Grandpuits. Des opérations gigantesques qui devront être achevées en 2030. « Nous espérons bénéficier des solutions les plus compétitives développées par divers fournisseurs dans le monde en leur offrant la possibilité d’avoir accès à des contrats de moyen et long terme », décrypte Patrick Pouyanné, PDG du groupe basé à La Défense.

Un tel investissement de la part d’un pareil géant du secteur énergétique fait évidemment l’effet d’un blast. Il va faire boule de neige. En parallèle, la filière doit faire face à d’importantes problématiques de recrutement. Un « défi compétence » se pose, car les politiques de formation n’ont pas encore été assez orientées vers le secteur. Sur le plateau de BFM Business, Alexis Martinez, directeur général de H2V, producteur d’hydrogène vert, sonne le tocsin : « C’est une vraie bataille, il faut rendre l’industrie attractive pour les jeunes et pour les femmes ».

Air Liquide, l’atout maître

Voilà un géant du CAC 40 qui fait peu parler de lui, mais qui pourtant fait montre d’une solidité à toute épreuve. Air Liquide, leader mondial des gaz, industries et services, est à la pointe des technologies de l’hydrogène. Le plan stratégique de l’entreprise (ADVANCE) est très ambitieux. « Air Liquide entend poursuivre sa trajectoire de croissance tout en préparant la réduction de ses émissions de CO2 à horizon 2025 ». Le groupe poursuit : « Dans cette course à la décarbonation, l’hydrogène joue un rôle clé. Le groupe s’appuie sur une expertise de plus de 50 ans en la matière. Il déploie ses technologies sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’hydrogène bas carbone, de la « production au stockage, jusqu’à la distribution. Cette maîtrise technologique lui a valu la signature de nombreux partenariats stratégiques avec de grands acteurs mondiaux pour développer l’usage de l’hydrogène ».

En Normandie, Air Liquide va développer tout un réseau rassemblant les filières, pour l’objectif bas carbone. Une vallée des technologies de l’hydrogène. Le groupe double la mise en Corée du Sud, avec un objectif identique. « Dans le cadre de ses objectifs Développement Durable, Air Liquide vise une réduction d’un tiers de ses émissions d’ici à 2035 et la neutralité carbone d’ici à 2050 » ; Pour porter haut cette ambition, Air Liquide sera partenaire hydrogène des JO 2024. « Air Liquide fournira ainsi l’hydrogène d’origine renouvelable nécessaire à l’avitaillement de la flotte officielle de véhicules à hydrogène des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 pendant la durée de l’événement ».

Une solution au coeur du plan France 2030

Emmanuel Macron croit en l’hydrogène. Celui qui a tellement louvoyé, en partisan de la godille, n’a pour une fois pas changé de braquet sur ce dossier. Il s’est engagé franchement. Celui qui se rêve en « président de l’hydrogène » veut faire de cette énergie un axe central de son grand plan France 2030, qui vise à préparer la France d’après. « La France se donne les moyens, à hauteur de 9 milliards d’euros, en s’appuyant sur ses laboratoires de recherche et ses industriels à la pointe de l’innovation, de créer une filière compétitive d’hydrogène renouvelable et bas carbone, et de devenir un des leaders mondiaux de l’hydrogène décarboné par électrolyse ». Une stratégie nationale en la matière a été initiée. Emmanuel Macron indique : « C’est parce que grâce à ce que nous sommes, nous, Français, au fait que nous avons un nucléaire solide, installé, une base déjà qui produit de l’électricité très décarbonée. Nous pouvons produire de l’hydrogène sur notre sol beaucoup plus massivement que beaucoup d’autres. Là où les autres vont aller les chercher. Et donc, on a un avantage compétitif en tant que producteur d’hydrogène, qu’il y ait un formidable continent devant nous ».

Pour porter cette politique, aussi bien dans le débat public que dans le monde économique, Michel Delpon a été nommé ambassadeur hydrogène France 2030. Il est aussi l’auteur de L’hydrogène renouvelable – L’énergie verte du monde d’après (éditions Hippocrate). Cet ancien député LREM de la Dordogne a été choisi par Emmanuel Macron après sa défaite face au RN, aux législatives de 2022. Désormais, charge à cet homme de bon sens de défendre cette énergie tout en veillant à son développement. « L’hydrogène est pour la France et l’Europe un véritable enjeu géopolitique qui peut nous conduire à l’autonomie énergétique », déclarait-il au JDD dès 2020. Michel Delpon insiste sur la capacité de l’hydrogène à stocker l’énergie, un avantage indéniable.

Les régions rivalisent d’ingéniosité

Les régions
stratèges
comptent sur
cette énergie

L’Occitanie avance. L’immense région présidée par la PS Carole Delga est une pionnière de l’hydrogène. « L’usine Hyd’Occ va produire de l’hydrogène renouvelable dès 2024 au coeur du port de Port-la-Nouvelle, propriété de la région Occitanie. Cette énergie propre participera à la décarbonation des mobilités intensives et de l’industrie, et contribuera à faire de l’Occitanie la première région à énergie positive d’Europe ». En s’inventant productrice d’hydrogène, la région force l’investissement et dope la recherche. 150 millions d’euros sont débloqués pour atteindre l’objectif 2030. Port-la-Nouvelle (Aude) confirme ainsi son statut de hub régional des énergies vertes, de l’éolien flottant à l’énergie marine en passant donc par l’hydrogène. L’Occitanie, région stratège, est également entrée au capital de Genvia à hauteur de 3,5 millions d’euros (et bientôt 5,5 millions). Ajoutons que Vicat et Vinci font partie du consortium. Genvia, entreprise basée à Béziers (Hérault) conçoit des électrolyseurs haute-température. Un élément technique fondamental dans la maîtrise de la technologie de l’hydrogène vert.

En Auvergne-Rhône-Alpes, on compte aussi sur cette énergie porteuse d’espoirs. Laurent Wauquiez mobilise l’écosystème techno-industriel de ses territoires. « Nos habitants attendent des actions fortes et ambitieuses en matière de transition énergétique, et c’est ce à quoi nous travaillons. L’hydrogène répond à cet enjeu. Nos projets autour de l’hydrogène, c’est davantage d’emplois et une meilleure protection de l’environnement, tout en continuant à faire travailler nos entreprises régionales. Nous pouvons être fiers de cette technologie portée par des entreprises locales, parce que la transition écologique ne se fera pas en continuant à importer des produits venus de Chine, fabriqués avec de l’énergie sortant de centrales à charbon. Je crois à une écologie positive qui encourage plutôt qu’à une écologie des normes qui pénalise ».

Ainsi, les projets fourmillent. Pipeline à hydrogène dans la vallée de la chimie, au Sud de Lyon. Aide à l’acquisition de fourgons pour les entreprises, collectivités et associations. En guise de pilote de cette stratégie territoriale innovante, HYmpulsion. Cette agence régionale centralise les projets et doit développer les stations hydrogène sur l’entièreté du territoire.
Elle distribue également les subventions aux acteurs concernés.

Une véritable concurrence entre les régions est ainsi à l’oeuvre pour attirer les talents et les compétences de l’hydrogène. Notons l’effort de la Bourgogne- Franche-Comté, qui installe une gigafactory d’électrolyseurs dans le Territoire de Belfort. Objectif : maîtriser toute la chaîne de valeur.

Teréga Solutions : objectif efficacité énergétique

Décarboner : une mission difficile que relève Teréga Solutions. L’entreprise propose d’intégrer à la « révolution hydrogène » l’intelligence logistique et numérique. Née dans
le sillage de la découverte à Lacq (Béarn) d’un immense gisement gazier qui fit beaucoup parler dans les années 1950 et 1960, Teréga Solutions s’est spécialisée dans le transport, l’exploitation et la maintenance d’infrastructures gazières. Teréga Solutions est parvenue à engager un vaste tournant écologique pour s’installer en leader français de l’hydrogène vert et de la méthanisation bas carbone. Entreprise de pointe, elle est présente dans les grands rendez-vous de l’innovation, comme récemment encore au salon MEET4Hydrogen.

Valentin Gaure

 

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