C’est sec, ça n’a jamais été aussi sec.

De l’Artois au Jura, du Berry à la Saintonge, de la Bourgogne à la Navarre, les terres virent au jaunâtre, accablées par un soleil impitoyable. Nos champs rappellent tantôt les paysages de la Calabre, tantôt ceux de l’Andalousie. Et l’eau vient à manquer. Bilan hydrique d’une France en train de changer de climat.

La question de l’accès à l’eau potable, reléguée depuis la Libération à l’histoire ancienne, va-t-elle de nouveau s’imposer dans un pays comme la France? Cet été, plus d’une centaine de communes en France ont dû faire l’amère expérience de la crise hydrique et hydraulique (le premier terme renvoie à l’étude de l’eau, le second à sa canalisation). Souvent momentanée, certes. Parfois, la gendarmerie ou même l’armée furent réquisitionnées pour acheminer des bouteilles en plastique aux riverains malchanceux. Ce fut le cas à Gérardmer par exemple, station balnéaire des Vosges, privée durant 48 heures de tout accès à une eau potable. La situation atteignit des tours dramatiques en Haute-Corse où le préfet s’est fendu d’un communiqué alarmé au cœur du mois d’août : « Si nous continuons à ce rythme de consommation d’eau, compte tenu des évolutions météorologiques attendues, il n’y aura plus d’eau dans 25 jours. »

La faute au réchauffement climatique, évidemment, d’abord et avant tout. Mais la responsabilité incombe aussi au politique, car la France est insuffisamment préparée et n’a pas investi en conséquence dans les infrastructures de rétention d’eau – au contraire d’autres pays comme l’Espagne ou Israël. L’exemple corse est criant. L’île de beauté « enregistre 70 % de pertes d’eau. Il faut vraiment revoir l’étanchéité de certains réservoirs et moderniser les vieux réseaux de canalisations en fibrociment qui lâchent souvent », estime Yves Dareau, le secrétaire général de la préfecture. La situation insulaire de la Corse serait également propice à la construction d’usines de dessalement pour la réutilisation de l’eau de la mer. Pour l’heure, très peu a été fait. Le conseil exécutif de Corse (équivalent de la Région) a toutefois lancé le plan Acqua Nostra. Le document de plus de 300 pages semble constituer un nouveau départ ambitieux. Reste à savoir s’il se traduira dans le réel.

 

Moduler le prix de l’eau selon son usage?

Ailleurs sur le territoire se pose la même question. La France, après la guerre, s’était élancée dans la construction de nombreux barrages, utiles aussi bien à la régulation des crues qu’à la distribution d’eau en cas de sécheresse. Un vaste plan de constructions de nouveaux bassins aiderait à régler le problème. Sans omettre l’installation, qui devrait se généraliser, des citernes individuelles dans les foyers et surtout dans les élevages. Utiles manières de réutiliser la pluie. Enfin, l’évidente régulation individuelle des usages et la sensibilisation des populations. Changer les tarifs sera-t-elle une réponse? Aujourd’hui, un litre vaut un litre, quel que soit son usage.

Peut-être faudra-t-il demain un nouveau modèle. Baisser le prix des tout premiers litres d’eau, ceux qui sont indispensables à la vie, et augmenter la facture pour les propriétaires de piscines ou de jacuzzis? Généraliser l’emploi d’une eau de récupération pour les salles d’eau? N’oublions pas au passage l’outre-mer, parent pauvre de la politique de l’eau. Un tiers des familles mahoraises n’ont pas accès à l’eau potable. En Guadeloupe, la facture annuelle s’élève en moyenne à 800 euros contre 550 en hexagone (l’île possède une réserve naturelle en eau deux fois plus importante en proportion). Et à la Réunion, les experts estiment que 40 % de la ressource est perdue, la faute à des infrastructures caduques et finissantes. Une certitude, la France au sens étendu doit économiser son eau comme un pays chaud.

Valentin Gaure

 

Pour aller plus loin sur le sujet « Transition et ruptures : La France est-elle prête ? » :

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici