On le sait, au fil des années, nos déplacements vont se transformer. Dans notre vie personnelle, certes. Mais aussi pour se rendre au travail. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre à disposition de leurs salariés des moyens de transport plus doux. Voitures électriques, vélos, télétravail… les solutions se multiplient pour minimiser l’empreinte carbone liée aux déplacements domicile-travail.
Les entreprises se retrouvent en première ligne dans cette conduite du changement. L’institut Viavoice a réalisé une étude d’opinion sur la mobilité en entreprise, à la demande d’Arval Mobility Observatory. Il en ressort évidemment que les entreprises doivent proposer des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement. D’après l’étude, les responsables de flottes d’entreprise estiment que la mobilité des salariés passera à l’avenir principalement par les transports en commun (46 %), le covoiturage (44 %) et la voiture électrique personnelle (40 %). Pour les DRH et responsables RSE, le covoiturage arrive en tête (61 %), suivent les transports en commun (50 %) et la voiture électrique personnelle (46 %). Enfin, les salariés ont une vision encore plus plurielle. Pour eux, les solutions d’avenir passent essentiellement par les transports en commun (36 %), le covoiturage (29 %), la voiture électrique personnelle (25 %), mais d’autres alternatives sont également envisagées comme la marche à pied, ex-aequo avec les véhicules partagés (20 %).
Vers un renouvellement de la flotte auto ?
Au regard de la place croissante prise par les départements (ou démarches pour les plus petites entreprises) RSE dans les organisations, les acteurs de la flotte automobile s’adaptent. Parmi eux : Athlon France, spécialisé dans la location longue durée (LMD). « On propose des modes de mobilité plus doux à nos entreprises clientes, de plus en plus sensibilisées à l’électrification […] Notre portefeuille de commandes se compose aujourd’hui à 40 % de véhicules hybrides et hybrides rechargeables et la tendance est à la hausse », explique Erwan Matte, à la tête du département nouvelles mobilités d’Athlon France. Les entreprises aujourd’hui doivent rendre des comptes au sein de rapports extra-financiers, le greenwashing se remarque assez vite. Elles sont aussi poussées par leurs salariés qui attendent qu’elles se positionnent du bon côté du manche. « C’est aussi un enjeu de marque-employeur, une manière d’attirer et de conserver les talents, plus que jamais les entreprises se doivent de s’engager sur les sujets environnementaux pour répondre à la quête de sens des salariés », estime Erwan Matte. Athlon France propose tous types de véhicules, de l’utilitaire… au vélo à assistance électrique que l’entreprise loue à ses clients, « le vélo c’est moins cher, c’est bon pour la santé et positif pour le climat […] Une bonne alternative en fonction des usages évidemment », lance le spécialiste des nouvelles mobilités d’Athlon. Le « vélotaf », un potentiel encore insuffisamment exploité selon la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB). Avec des chiffres encore en-deçà des espérances : « 500 000 vélotafeurs en France, un chiffre ridicule […] Il y a un gros problème de culture, en France, on aime le vélo, mais celui du tour de France ! Le vélo n’est pas vu encore comme un véhicule, or c’est un mode de déplacement au même titre que le bus, la voiture ou le train », regrette dans Le Figaro Annie-Claude Thiolat, vice-présidente de la FUB. Certaines entreprises ont tout de même décidé de miser sur ce créneau du « vélo de fonction », persuadées que les mentalités évoluent et iront dans le bon sens. C’est le cas notamment de Zenride, une start-up parisienne créée en 2018. Laquelle connaît un boom de son activité : 300 entreprises clientes contre 150 fin 2021 ! Le « vélotaf », ce n’est plus simplement Paris, il s’exporte en région.
« FMD », un dispositif encadré
C’est l’une des mesures phares de la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019. Le fameux forfait mobilités durables (FMD) – dispositif facultatif qui permet la prise en charge, totale ou partielle, par l’employeur des frais de déplacement personnels de ses employés entre leur domicile et leur lieu de travail dès lors qu’ils choisissent un mode de transport doux. Entrée en vigueur en mai 2020, la prise en charge des frais de transports concernés par le FMD prend généralement la forme d’une allocation forfaitaire. Dans le secteur privé, le forfait est de 800 euros maximum, par an et par salarié. Nombre de salariés sont concernés : CDD, CDI, temps partiel, intérimaires, apprentis, stagiaires. Concrètement, le FMD correspond à une prise en charge ou un partage des frais dans le cas d’achats de titres de transports, de covoiturage, de l’achat d’un vélo, etc. À une prise en charge des frais de location pour l’autopartage ou le recours à un moyen de déplacement en libre-service. Ou encore une participation forfaitaire par kilomètre parcouru ou par nombre de jours de pratique de vélo.
Les entreprises se doivent, plus
que jamais, de s’engager sur les
sujets environnementaux pour répondre à la quête de sens des salariés
Erwan Matte,
Athlon Franc
Quels modes de transport éligibles ?
- le vélo personnel du salarié, avec assistance électrique ou sans (mécanique)
- le scooter et la trottinette électrique en location (free-floating)
- le covoiturage (en tant que conducteur ou passager) les transports publics de personnes (autres que ceux concernés par la prise en charge obligatoire par l’employeur des frais d’abonnement à hauteur de 50 %)
- les services d’autopartage de véhicules à moteur à faibles émissions (véhicules électriques, hybrides rechargeables ou à hydrogène)
Ubiq, un exemple à suivre ?
Ces salariés que l’on prend par les sentiments. L’entreprise française Ubiq a de l’imagination pour inciter ses salariés à adopter des modes de déplacement plus responsables – et ce en dehors même du cadre du travail. Depuis janvier 2023, le spécialiste de solutions de bureaux propose à ses collaborateurs des « temps de trajet responsable » (TTR). De là, s’ils présentent une preuve qu’ils voyagent de manière à minimer leur impact sur l’environnement, les 30 employés d’Ubiq pourront bénéficier de deux journées de congés supplémentaires, lesquelles peuvent se scinder en quatre demi-journées. Par voyager responsable, l’entreprise entend le fait de prendre le train ou faire du covoiturage plutôt que de prendre l’avion, par exemple. « On s’est demandé ce qu’on pouvait faire en tant qu’entreprise concernant les déplacements personnels de nos collaborateurs. Et on a fait le constat que pour les courts voyages de type weekend ou petite semaine, on prenait tous l’avion parce qu’on n’a pas le temps de faire des heures et des heures de train », explique le directeur général Mehdi Dziri pour Les Échos Start. En réalité, ce ne sont pas des jours de congés à part entière, mais ces journées permettent de prendre le temps d’opter pour un temps de transport plus long mais moins polluant. Les salariés, si la connexion leur permet répondront à leurs e-mails ou assureront d’autres petites tâches. Avant de profiter pleinement de leur séjour…
Sur le sol français, Ubiq fait figure d’exception. Alors que la pratique se révèle bien plus répandue au Royaume-Uni. En outre un programme a été lancé en 2020 – Climate Perks – qui propose aux entreprises un dispositif de « journées de voyage durables ». Deux jours au minimum, face au succès de l’initiative certaines sociétés mettent en place quatre voire six jours.
Le télétravail, la mobilité optimale ?
Il est devenu une routine pour nombre de salariés lors de la longue parenthèse Sars-CoV-2. Du moins pour celles et ceux qui le pouvaient. Le télétravail a bousculé notre façon de travailler : beaucoup ont pu retrouver une certaine autonomie et une praticité dans leur organisation personnelle, d’autres ont souffert d’isolement et de solitude. Mais surtout, quel est l’impact du travail à distance sur l’environnement ? Puisque travailler chez soi abolit les trajets domicile- travail, ce qui limite drastiquement la pollution de l’air et la congestion. Même si, par ailleurs, télétravail ou pas, les déplacements liés à la vie familiale – emmener les enfants à l’école, se rendre au sport, aller faire ses courses – parfois même durant ses horaires de « bureau », ne disparaissent pas pour autant. « La généralisation du télétravail, incluant 18 % des actifs qui deviendraient télétravailleurs permettrait l’évitement quotidien de 3,3 millions de déplacements, soit 42,9 millions de kilomètres, un jour de semaine. Bénéfice direct pour l’environnement : une réduction de nos émissions de CO2 d’environ 3 300 tonnes aux heures de pointes un jour de semaine », rapporte tout de même l’Agence de la transition écologique (Ademe) dans les colonnes de nos confrères du média Vert. Dit autrement, le télétravail va de pair avec un rejet moindre de CO2 lié aux déplacements. Évidemment, ces bénéfices sont d’autant plus importants que le télétravail remplace un mode de transport motorisé. Revers de la médaille, le télétravail rime avec une explosion des consommations énergétiques à domicile. Les appareils électriques se retrouvent plus souvent branchés et le chauffage carbure en hiver – même si son impact varie fortement en fonction du système de chauffage et du degré d’isolation du logement. Plus vous êtes nombreux à télétravailler au sein d’un même espace, plus ces externalités négatives liées à la consommation d’énergie seront faibles. Enfin, le télétravail a dopé le recours aux visioconférences – ère de gloire pour Zoom, Teams and co. Pour rappel, le flux de données en vidéo consomme 1 000 fois plus de bande passante que l’audio. L’Ademe a sur ce point livré quelques conseils pour limiter la pollution numérique liée au télétravail, comme faire le ménage dans sa boîte mail et dans le cloud, ou encore mettre les adresses Web fréquemment consultées directement en favoris. De petites astuces pour ne pas annihiler tous les aspects positifs sur l’environnement permis par le télétravail !
Geoffrey Wetzel