Villes écologistes et villes écologiques
Juin 2020. Les citoyens sortent d’un confinement éprouvant décrété par Emmanuel Macron, « président-épidémiologiste » qui croit alors livrer une « guerre » face à un virus. Les médias évoquent l’émergence d’un mirifique « monde d’après ». Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers ou encore Besançon passent sous pavillon EELV – pour Europe Écologie-Les Verts. Mais est-ce l’étiquette qui fait de vous un défenseur du climat ?
Bordeaux ! Sa place de la Bourse, son pont de Bourgogne, sa cité du vin, sa statue de Chaban-Delmas… Et désormais, son étrange sapin de Noël. Depuis 2020, l’avocat écolo’ Pierre Hurmic, qui est parvenu à faire basculer l’éternelle cité bourgeoise à gauche, a substitué l’habituel géant des forêts par un monument en verre bien moins magique… Et même fustigé pour sa laideur. Geste symbolique ?
Lyon, la bonne élève qui relève le défi du « pragmatisme vert »
Ces polémiques se sont multipliées depuis 2020 dans les villes EELV. Du côté de Lyon, Grégory Doucet refuse d’accueillir le Tour de France en raison du supposé machisme de la course. Du côté de Poitiers, la maire Léonore Moncond’huy estime en plein conseil municipal que l’avion « ne doit plus faire partie des rêves des enfants ».
À Lyon, Grégory Doucet espère dépasser l’image de « maire des cyclistes »
Au milieu de toutes ces rodomontades qui fleurent bon la gauche radicale, difficile d’apercevoir la réalité du travail effectué par ces écologistes d’étiquette. Le plus souvent, ils suscitent l’incompréhension, le mécontentement. Les électeurs pensaient pouvoir profiter de belles pistes cyclables, de plus de parcs et de nature en ville, d’une offre de transports en commun renforcée. On en est souvent loin.
Si certains maires persistent à s’emmitoufler dans les caricatures, il est intéressant de constater que d’autres édiles s’essaient à un véritable « virage du pragmatisme ». Ainsi à Lyon, Grégory Doucet semble délaisser les outrances et adapter son projet. Comme il l’indique au Monde, il espère dépasser l’image de seul « maire des cyclistes ». Alors, l’ancien cadre d’Handicap International met de l’eau dans son vin. Par exemple, il tient compte de l’avis des défenseurs du patrimoine, bien conscient que ceux-là ne sont pas simplement d’odieux conservateurs qu’il faudrait faire taire. Paul Bocuse s’est vu honoré, l’esthétique des rues lyonnaises a été préservée. Le maire est également un pro-business : il ne cherche pas la décroissance et loue la qualité des entrepreneurs locaux. Quant à la Fête des Lumières, célébrée chaque année en l’hommage de la Vierge Marie, il n’a pas cherché à la détruire ou à la « moderniser à tout prix », s’en tenant à quelques innovations originales et intéressantes. Formidable de montrer que l’écologie, ce n’est pas détruire l’héritage de notre civilisation pour sauver la planète et qu’on peut justement concilier les deux. Belle rencontre entre l’idéal de l’écologie et la passion du réel ; n’est-ce pas dans ce chevauchement que se fera la bonne politique ?
« Les vélos, il faut en parler. J’en ai assez que les gens râlent à cause des cyclistes qui font n’importe quoi. Je tiens à ce qu’on les verbalise », lance par exemple Grégory Doucet, conscient qu’il n’y a pas d’un côté le méchant automobiliste et de l’autre côté un cycliste forcément vertueux et citoyen.
Ainsi libéré des outrances, Grégory Doucet peut se concentrer sur l’écologie du réel, celle qui donne des résultats. Sa stratégie « Lyon 2030 » vise à atteindre le statut de « ville climatiquement neutre ». Une belle ambition qui peut rassembler les Lyonnais en 2026, alors que Grégory Doucet a d’ores et déjà annoncé sa candidature pour un second mandat.
Grenoble : quand l’idéologie prime sur l’action ?
Angers vise la neutralité carbone grâce à la « ville intelligente » et « l’Internet des objets »
C’est l’histoire d’une ville qui devrait briller. Grenoble, capitale des Alpes françaises, décline pourtant à vitesse grand V. Certes, cela ne date pas de l’élection en 2014 d’Éric Piolle, premier maire écologiste d’une grande ville française. Mais loin d’ouvrir une nouvelle page de développement et de faire de Grenoble une ville pilote en matière de développement durable, le maire Piolle a mis en place un système politique assez sectaire, profondément marqué par l’idéologie, au mépris du grand chantier du quotidien qui est pourtant le coeur de l’action d’un maire.
En matière d’écologie, censée pourtant être le « point fort » de l’équipe municipale en place, le bilan n’a pas fière allure après près de dix ans d’exercice. Grenoble est ainsi 39e sur 40 du classement sur les « métropoles écologiques » établi par l’hebdomadaire Challenges… Grenoble est également dans le top des « villes passoires thermiques », avant-dernière de France pour le nombre d’espaces verts. Sans oublier le bonnet d’âne en matière d’îlots de chaleur. Quelle bérézina ! Seul l’item de l’attractivité semble s’être amélioré mais en réalité c’est un trompe-l’oeil… En effet, les prix de l’immobilier s’étant effondrés à Grenoble, il est plus facile d’y devenir propriétaire.
Cannes, Biarritz, Angers…
mairies de « l’écologie des résultats » ?
Voici trois villes vertes et bleues (elles se soucient également de la ressource en eau). Un point commun majeur : elles ne sont pas dirigées par des maires EELV et pourtant, elles surprennent par leur capacité à s’adapter au défi climatique.
Dans la Cannes de David Lisnard, c’est une véritable révolution d’action qui est à l’oeuvre. Des espaces verts impeccables, une politique sans équivalent de lutte contre la préservation marine, réutilisation de l’eau des golfs, énergie solaire pour éclairer la Croisette… L’écologie, à rebours de toute décroissance, s’y veut innovante et conquérante.Ainsi, et c’est loin d’être un détail, les poubelles ontellesété retirées de la splendide île Sainte-Marguerite, laquelle fait face à la ville du Septième Art. Cela peut paraître contre-intuitif, mais bien au contraire, c’est une claire amélioration qui en résulte. Par là-même, les touristes sont invités à conserver les ordures dans leurs sacs et de jeter le tout une fois de retour au domicile, évitant le peu ragoûtant spectacle des poubelles débordantes.
Biarritz, la grande ville du Pays-Basque français, fait également figure de modèle. Le cadre de vie y est la priorité numéro 1. Comme à Cannes, un grand plan a été voté pour lutter contre l’incivisme, qui dégrade si souvent l’environnement. « Je respecte Biarritz » met le paquet sur la lutte anti-pollution : du mégot abandonné sur la plage à la décharge sauvage encore pratiquée par certains vandales. Pratique très sévèrement punie à Biarritz. Eau, végétalisation, énergie positive, pistes cyclables… Biarritz est aux avant-postes. Et comme Cannes, loin de rejeter en toute hypocrisie la voiture, des parkings pratiques et parfois gratuits sont à disposition pour inciter locaux et touristes à délaisser leur véhicule et se mouvoir à pied. C’est le bon sens en action.
Reculée dans les terres, la bonne ville d’Angers a su sortir de son image de bourgade tranquille pour s’inventer ville d’innovation à taille humaine. Là-bas, c’est au quotidien que s’invente la ville nouvelle au cadre préservé et puissamment verdi. C’est bien simple : les arbres y sont nombreux et le béton quasiment invisible ! Sans oublier la Loire, véritable poumon de la capitale de l’Anjou. Angers, c’est 178 millions d’euros investis sur douze ans dans l’Internet des objets. Certainement pas pour faire mumuse : il s’agit de devenir un territoire « zéro-carbone » en faisant de la brave cité une ville connectée. Ramassage des ordures, éclairages publics, arrosage des massifs… Tout est optimisé. Avec la stratégie du « temps d’avance » lancée dès l’an 2000, Angers montre à toute la France le chemin d’un futur durable et désirable. Angers Loire Métropole se targue d’un catalogue détaillé de 63 mesures vertes qu’elle applique au quotidien. Un bel exemple qui prouve par A + B qu’être écolo’ n’est pas une affaire de parti mais d’engagement, d’ambition et de pragmatisme. Prenons-en de la graine.
Valentin Gaure