Finies, ou presque, les opérations coup de poing. C’est devant la justice que se régleront désormais les litiges environnementaux. Le monde entier cède à ce mouvement avec en ligne de mire États et grandes entreprises accusés de ne pas respecter leurs engagements en matière climatique.

Sur les fumantes entreprises, Thémis pointe son glaive. C’est à la justice que les organisations climaticides doivent maintenant répondre. Les ONG les tiennent en joue. Depuis les années 2000, les balles ne cessent de pleuvoir partout dans le monde. Selon le rapport mondial sur les litiges relatifs au climat publié par l’Unep (programme des Nations Unies pour l’environnement), 884 procès ont été introduits en 2017 dans vingt-quatre pays. En 2020, le chiffre explose : 1 550 litiges climatiques pour 38 pays. Les gouvernements sont sommés de répondre de leur « inaction climatique », comme ce fut le cas en France avec l’Affaire du siècle – une action portée par les association.

« Nous poussons le juge à adapter les outils existants aux enjeux contemporains. »
Clara Gonzales, Greenpeace

Notre affaire à tous, la Fondation pour la nature et l’homme, Oxfam France et Greenpeace France qui ont assigné l’État en justice pour non-respect de ses engagements en matière climatique. Le juge administratif a finalement reconnu la responsabilité de la France en octobre 2021. Aujourd’hui, ces contentieux climatiques s’étendent aux entreprises. « À partir du moment où les gouvernements ne se contraignent pas eux-mêmes à la mise en œuvre des obligations en matière écologique, on ne peut pas attendre d’eux qu’ils contraignent des entreprises », déplore Clara Gonzales, juriste chez Greenpeace France.

La justice climatique, un enjeu judiciaire du XXIe siècle ? Il faut vous en convaincre, la bataille pour le climat se livrera au prétoire. « Depuis trente ans, les ONG multiplient les campagnes de communication, les rapports sur les entreprises et rien ne bouge. Il faut passer à la vitesse supérieure, s’indigne la juriste, il faut passer à la force contraignante du droit. » Le contentieux climatique investit les palais de justice du monde entier. « Il est représenté dans toutes les actions en justice engagées devant les tribunaux, les juridictions administratives, judiciaires, commerciales ou internationales qui ont trait à des questions liées au climat », confirme Sébastien Mabile, spécialiste du droit de l’environnement au cabinet Seattle Avocats.

Les deux juristes sont d’accord : cette justice climatique n’a pas de vocation répressive, elle se veut préventive. Ce que la justice sanctionne, « c’est le manque d’ambition d’une entité, d’une organisation, d’un État, d’une entreprise au regard de l’impératif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. » Pas d’amende donc ni même d’indemnisation. Mais une injonction assortie d’une astreinte.

Objectif : respecter les Accords de Paris

Un contentieux d’un nouveau genre. On parle désormais de préjudice écologique, d’inaction climatique, d’écocides, de climaticides… Autant de termes qui n’existaient pas il y a dix ans. Et il ne s’agit pas de verbiage. Car toutes ces actions, si nouvelles soient-elles, sont fondées en droit. À commencer par la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, adoptée en 2017. Elle oblige les entreprises de plus de 5 000 salarié·es en France ou plus de 10 000 en France et à l’étranger à établir un plan de vigilance pour la sauvegarde de l’environnement. Mais pas seulement. Clara Gonzales : « Nos actions juridiques comportent des innovations en droit. Nous poussons le juge à adapter les outils existants aux enjeux contemporains. » Sont ainsi avancés les instruments « relatifs à la protection des droits humains », précise maître Mabile.

Échec politique

Car la justice climatique va plus loin que la simple protection de l’environnement. Elle se dote d’une dimension sociale. « Elle comprend la prise en compte des inégalités liées au constat que les principaux émetteurs de gaz à effet de serre sont ceux qui ont la plus grande capacité d’adaptation. Les plus faibles émetteurs sont ceux qui souffrent plus des impacts », regrette l’avocat. Dans cette histoire, Goliath étouffe David. La justice climatique a pour ambition d’inverser la tendance. L’objectif, lui, reste le même. Celui de se conformer aux engagements de l’Accord de Paris du 12 décembre 2015. Pour cela, « nous demandons des mesures.

La montée en puissance du juge dans la question climatique témoigne surtout d’un échec politique », plaide déjà Sébastien Mabile. Un constat que partage Clara Gonzales sur le dernier quinquennat : « Nos plaidoyers législatifs ne se sont pas avérés très efficaces avec le gouvernement Macron. Nous n’avons quasiment rien obtenu sur le projet de loi climat. » En 2022 la justice climatique passera aussi par les urnes…

Marie Sanchis

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