L’économie circulaire est un concept qui s’étend. Si elle se concrétise souvent par des échanges entre particuliers, les entreprises peuvent aussi jouer un rôle important dans son processus d’adoption par le plus grand nombre. En voilà cinq.
Que l’on soit le PDG d’une grande firme multinationale ou un porteur de projets aux ambitions plus mesurées, il est tout à fait possible d’être un acteur de l’économie circulaire. Pour cela, il suffit de « produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets ». C’est en tout cas ce qu’en dit le gouvernement.
Dans les faits, c’est parfois un peu plus compliqué que ça. Les entreprises fournissent parfois de véritables efforts pour passer à la circulaire. Mais les résultats en valent le coup. Dans son étude « Quelles stratégies d’entreprise pour une économie circulaire moteur de croissance ? », le site économiecirculaire.org révèle que les sociétés peuvent réduire pas mal de dépenses notamment liées à la logistique en raccourcissant leurs parcours d’acheminements. Toujours selon le site spécialisé, l’économie circulaire amènerait aussi de nouvelles opportunités de bénéfices. L’étude s’appuie sur des exemples historiques comme celui de Lafarge Ciment, qui en 1970 a eu le nez creux. En substituant les combustibles fossiles, allègrement utilisés à l’époque, par des ressources renouvelables, l’entreprise a échappé aux deux chocs pétroliers qui ont chahuté l’économie mondiale en 73 et 79. Les cas similaires sont nombreux et viennent prouver un peu plus l’intérêt de l’économie circulaire. Aujourd’hui, plus que jamais tentaculaire, l’économie circulaire prend toutes les formes. Dans le b to b, auprès des clients en seconde main et dans les institutions. Tous les secteurs d’activité comprennent un à un l’intérêt d’une telle notion, alors voici le tour d’horizon de cinq entreprises qui voient le business en rond.
La Poste vise la gestion raisonnée des ressources à tous les niveaux de l’entreprise.
La Poste, le réemploi à l’échelle nationale
Depuis quelques années, l’un des plus grands groupes publics de France a réinventé sa manière de fonctionner. La Poste vise la gestion raisonnée des ressources à tous les niveaux de l’entreprise. Déjà, c’est au niveau de ses approvisionnements et de sa consommation de ressources que le groupe a décidé de réagir. Une stricte politique de réemploi est appliquée qui permet à La Poste de réaliser 500 000 à 800 000 euros d’économies par an. Mais le groupe ne s’arrête pas là et se fixe des objectifs toujours plus ambitieux : réutiliser ou recycler 75 % de ses déchets et réemployer 100 % de ses équipements technologiques éligibles. D’ici à 2030, La Poste espère aussi être la première entreprise dotée d’une trajectoire compatible avec les limites planétaires. Oubliez alors la dépense publique au service du « tout jetable » ! Pour ce faire, les dirigeants du groupe n’agissent pas seuls. Depuis 10 ans, les filiales Recygo (créées conjointement avec Suez) et Nouvelle attitude aident La Poste dans la gestion responsable de ses déchets. Les emballages de colis utilisés sont d’ailleurs rigoureusement recyclés au même titre qu’ils sont ensuite valorisés pour atteindre l’objectif de l’« upcycling ».
YPrema, les terres inertes reprennent vie
Avec Yprema, la notion d’économie circulaire ne date pas d’hier. Cela fait plus de 30 ans que l’entreprise de gestion de déchets de déconstruction oeuvre pour un monde plus responsable. Et chaque année depuis ces trois dernières décennies, la centrale d’Yprema recycle plusieurs dizaines de milliers de tonnes de déchets issus des chantiers de déconstruction. « Nous sommes un exemple de transition écologique », se félicite d’ailleurs l’un des fondateurs, Yves Prigent. Depuis quelques années et l’arrêt progressif du recyclage du mâchefer (résidu de la combustion du charbon), Yprema a dû se réinventer. Aujourd’hui, l’entreprise s’occupe du Grand Paris Express, et recycle les terres inertes qui découlent du projet. En 2017, les prévisions de la Société du Grand Paris indiquaient que ce projet de super métro « Grand Paris Express » provoquerait 45 millions de tonnes de déchets inertes. L’objectif est d’en récupérer une partie pour fabriquer une nouvelle génération de matières premières : des produits recyclés essentiellement destinés aux travaux publics, constituant d’excellents matériaux de technique routière. Voilà de l’économie circulaire pure et dure, associée à un projet de grande envergure. Pour rester prospère depuis plus de 30 ans, Yprema s’appuie sur un savoir-faire ancien – encore une utilisation de l’économie circulaire, dira-t-on. « On ne peut pas faire n’importe quoi. On est responsable. C’est un savoir-faire », assurent les patrons qui n’ont pas la capacité de main-d’oeuvre pour traiter l’ensemble des déchets liés aux terres inertes. Peut-être alors y-a-t-il une place à se faire sur ce marché ?
Mökki, choisir le destin de ses anciens vêtements
À l’échelle de Paris, Mökki reprend les fondamentaux de Vinted pour laisser aux habitants de la capitale la possibilité de choisir le destin de leurs affaires. Nichée en plein coeur du IVe arrondissement, cette petite boutique aux couleurs pastel trie, revend ou se charge de donner les vêtements que les Parisiens lui confient. Il suffit d’apporter son sac de vêtements propres, de s’enregistrer avec l’aide de l’hôtesse, et de choisir vos dernières volontés concernant ces affaires que vous ne voulez plus porter.
Un an après son ouverture, Mökki sauvait déjà plus de 21 000 produits pour une moyenne de 49 clients par jour.
Tamara Brisk, la fondatrice, travaille avec de nombreux acteurs emblématiques du marché textile de seconde main comme Vestiaire Collective ou encore Emmaüs. Cette entrepreneuse, une fois les vêtements en sa possession, active ses nombreux partenariats, qu’ils soient pour des dons ou pour de la revente et agit ainsi en tant qu’actrice de l’économie circulaire. Un an après son ouverture, Mökki sauvait déjà plus de 21 000 produits pour une moyenne de 49 clients par jour. Avec, dans le détail, 18 % de reventes, 61 % de dons, et 21 % de produits recyclés. Au total, alors que la start-up n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements, elle économisait 56 tonnes des CO2 grâce à son concept circulaire. Pour l’avenir, Tamara aimerait notamment se développer en périphérie parisienne et dans les capitales européennes. Elle évoque aussi le lancement d’un pop-up store pour fermer cette boucle d’économie circulaire si bien entamée.
Geodis, la logistique responsable
Geodis est une holding qui regroupe plusieurs entreprises de logistique, messagerie et transport routier. Une parmi d’autres, dira-t-on. Mais Geodis se différencie notamment par des actions dans ses centres de revalorisation d’équipements électroniques. Celui à Nieder-Holm (Allemagne) est d’ailleurs une très bonne référence et un exemple que beaucoup d’entreprises pourraient prendre. Sur plus de 23 000 mètres carrés, les appareils électroniques ressuscitent grâce à la magie du reconditionnement. Ainsi, Geodis se veut acteur de la revalorisation des produits jetés et abîmés, en bref ceux que le commun des mortels considérerait en fin de vie. Pour cela, l’entreprise met en oeuvre son savoir-faire afin de redonner une valeur aux composants. Dans le détail, certains sont parfois simplement vérifiés et nettoyés par des experts Geodis puis remis en circulation sur les marchés. On les appelle les produits en « milieu de cycle de vie ». Lorsqu’il est question du matériel informatique, des logiciels dédiés à la configuration et l’opérabilité réalisent de nombreux tests de fonctionnement. Le but principal vise à la suppression des données personnelles précédemment stockées. Tout est évidemment minutieusement contrôlé pour qu’aucun produit défectueux ne se faufile entre les mailles du filet. Enfin, lorsque le produit ne peut pas être réparé, il abrite tout de même des composants que l’on peut récupérer. Il est alors désossé dans les différents centres de valorisation Geodis. Les pièces détachées peuvent alors être réutilisées par les nombreux services de production et réparation de la société. L’or, l’aluminium ou le cuivre sont, par la suite, revendus aux coeurs des marchés spécifiques. À noter que ces opérations de recyclages et d’éliminations respectent bien évidemment la directive européenne relative aux équipements électriques et électroniques. Geodis s’inscrit donc comme un fervent acteur de la revalorisation et, en filigrane, de la protection de l’environnement. Moins de 1 % des déchets finaux sont déposés en décharge. Prends ça obsolescence programmée !
Continental, des pneus toujours plus « circulaires »
Coup de maître à Hanovre (Allemagne) ! Le fabricant de pneus Continental a fait don de 400 mètres carrés de pavés en caoutchouc dans le but de réaliser un terrain de basket pour la jeunesse hanovrienne. C’est plus de 200 pneus de course de la première saison d’Extreme E (championnat en SUV électriques) qui ont pu être recyclés pour l’occasion. « Transformer les pneus de course en espace de vie », voilà la devise du groupe. Enno Straten, le responsable de la stratégie, de l’analyse et du marketing, pour la division pneus de remplacement EMEA de Continental, a ajouté : « Nous sommes très heureux de soutenir le projet avec des pavés fabriqués à partir de nos pneus recyclés ici à Hanovre. De cette façon, nous remettons en circulation les matériaux issus de la série de courses électriques
durables Extreme E et les utilisons pour une bonne cause. » Le projet vise alors, à travers le sport, à dépasser les barrières sociales. À terme, l’objectif demeure celui de construire de nombreux terrains de basket dans tout le pays au sein desquels les jeunes pourront s’entraîner ensemble et ce peu importe leur âge, leur origine ou leur école. Le soutien principal du projet, « BasKIDball » promeut alors l’esprit d’équipe, l’équité, la santé et la confiance. Tout cela découle donc d’une initiative de Continental qui met l’économie circulaire au profit d’avancées sociales dans des régions où les jeunes manquent parfois de distractions. Tanguy Patoux
Un enjeu, un métier : le responsable économie circulaire
ADV Supply, Eiffage, BPCE… Tous ces groupes ont dans leur effectif un ou plusieurs responsables de l’économie circulaire. Si l’intitulé du métier peut changer d’une entreprise à l’autre, le principe reste le même : donner une direction plus responsable aux décisions prises par les comités. Dans le détail, les responsables « économie circulaire » peuvent agir sur le choix des matériaux utilisés, sur la politique de réemploi de leur groupe, sur le management et la formation appliquée aux décisionnaires, sur la sensibilisation et sur la préparation de plans de transitions pour une économie plus responsable. La plupart du temps, un responsable d’économie circulaire aura fait 5 ans d’études dans le droit et l’ingénierie de l’environnement et peut ainsi prétendre à une rémunération attractive (de 50 000 à 80 000 euros par an).