Sur les 400 millions de tonnes de plastiques produits chaque année dans le monde, seuls 9% sont recyclés, selon l’OCDE. En France, la loi anti gaspillage prévoit une interdiction de tous les plastiques jetables en 2040 et parie sur le recyclage. Mais le recyclage du plastique est-il capable de venir à bout de la pollution plastique à grande échelle? Apparemment pas. Pour Nathalie Gontard, directrice de recherche en sciences de l’aliment et de l’emballage à Inrae et ancienne auditrice de l’IHEST, l’objectif de recycler les plastiques à 100% est une illusion: seule une toute petite partie reste recyclable pour un usage similaire. En grande majorité, il faut trouver de nouveaux débouchés pour ces plastiques qui ne seront plus re-transformables pour un nouvel usage.

66,6kg de déchets plastiques produits par personne et par an en France

La France produit chaque année 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques dont 55% sont des emballages. Paprec, l’un des principaux acteurs français du recyclage, du traitement et de la valorisation des déchets, qui traite plus de 12 millions de tonnes de déchets par an (10000 salariés répartis sur plus de 200 sites en France et en Suisse, pour un chiffre d’affaires qui approche le 1,5 milliard d’euros), n’endigue pas la marée. En 2021, l’UFC-Que Choisir instruit carrément le procès du recyclage français: « La France se singularise par des taux de recyclage du plastique significativement inférieurs à ses voisins européens. »

Pour cause, « la France arrive en avant-dernière place du classement européen avec un taux de recyclage des emballages plastiques de seulement 26,4 %» (42% au Portugal, 44% au Royaume-Uni). La collecte du recyclable dépasse les capacités des usines: 39 % du poids total de chaque emballage de produit testé ne sera pas recyclé.

Des emballeurs qui feignent de ne pas comprendre

En effet, les recycleurs ne sont pas les seuls responsables: les fabricants n’ont pas encore compris qu’ils doivent arrêter d’emballer à l’aide de multimatériaux impossibles à recycler. Pour l’acheteur qui croit que les logos multiples qui ornent l’emballage sont des cautions de bonne recyclabilité, la confusion menace. D’abord, rares sont les emballages à donner des consignes de tri. Puis entre le « Tidy Man » qui se contente de rappeler que les déchets ne doivent pas être jetés sur la voie publique et le « Point vert » qui signale simplement qu’une éco-contribution a été versée pour l’emballage, on n’est guère avancé.

L’initiative française du Plastic Odyssey

Pire, pour alimenter les usines de recyclage qui se multiplient, il faut continuer à produire toujours plus de déchets plastiques. Témoin, l’Allemagne, montrée en exemple car elle recycle 50 % de ses déchets plastiques: le pays n’a pas réduit d’autant sa consommation de plastique vierge et reste le premier producteur européen ! Le plastique, quoi qu’il arrive, reste voué à devenir un déchet. Fragmenté en micro, voire nanoparticules, il polluera durablement nos sols et nos océans. En France, les militants, de Greenpeace à Sea Shepherd, privilégient le bateau de combat. L’entreprise française Plastic Odyssey, de Marseille, mise, elle, sur le navire de démonstration.

Il s’agit pour ces faux marins et authentiques entrepreneurs de réduire la pollution plastique de l’océan « en créant un réseau mondial d’initiatives locales du recyclage ». Le bateau du même nom, Plastic Odyssey, s’embarque pour une expédition à travers trois continents. À bord, un laboratoire équipé de machines de tri, de broyage, une presse hydraulique, entre autres en technologies open source transforment les déchets plastiques en objets commercialisables – tuyaux, briques, tuiles… – et… en carburant! Simon Bernard, cofondateur de Plastic Odyssey, assimile son bateau à un « pasticpedia » qui suscitera des entreprises au long des côtes…

Bannir à jamais le plastique, même recyclé

Pour Nathalie Gontard, il va falloir se poser la vraie question: «A-t-on vraiment besoin de tant de plastiques dans notre quotidien? En effet, les trois quarts de nos objets en plastique sont inutiles ou pourraient être fabriqués par exemple, en laine, métal, coton, bois ou en terre cuite. Des matériaux dont le devenir ne perturbe pas notre écosystème et notre santé. Il faut prendre conscience que chaque objet en plastique est un héritage empoisonné qu’on laisse aux générations futures ! » Pour la chercheuse de l’Inrae, il faut repenser notre façon de vivre et surtout ne pas succomber à l’illusion qu’un plastique recyclé serait un plastique propre.

Olivier Magnan, avec l’IHEST

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