Produire mieux pour nourrir plus de monde. Au regard des 9,1 milliards d’humains que la planète abritera (supportera?) d’ici à 2050, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime, dans des données compilées, qu’il nous faudra revoir de 70 % à la hausse la production agricole! La France, certes moins touchée par une hausse de la population, doit aussi penser son agriculture pour demain, en abandonnant le modèle extensif. Possible? Contradictoire? L’expertise de Clément Le Fournis, cofondateur du site Agriconomie, plateforme d’e-commerce pour les agriculteurs.

« L’agriculture constitue l’un des secteurs qui risque de produire le plus grand impact sur le réchauffement climatique. On émet beaucoup de CO2 , mais on a la capacité d’en capter énormément aussi. L’agriculture est à la fois juge et arbitre », attaque Clément Le Fournis. L’agriculture se trouve souvent confrontée à des injonctions contraires, l’esclandre des néonicotinoïdes en témoigne. Un pesticide qui lutte contre d’éventuelles invasions de pucerons vecteurs de la jaunisse – mais d’un autre côté des néonicotinoïdes nocifs pour l’environnement, la faune aquatique, les pollinisateurs, suspectés d’être cancérogènes. « Voilà au moins vingt ans que le monde agricole a pris conscience de l’importance d’adopter de meilleures pratiques, mais c’est toujours plus long de les mettre en place. Un changement, même mineur, risque de mener une exploitation à la faillite », plaide Clément Le Fournis, lui-même issu d’une famille d’agriculteurs.

Quel avenir pour l’élevage?

L’agriculture de demain pourrait (devrait?) reposer sur l’agroécologie. Cette technique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) n’a pas manqué d’en vanter les mérites. L’agroécologie utilise les ressources de la nature comme source de production et maintient ses capacités de renouvellement. Concrètement, elle ne requiert pas d’autre chimie que celle du sol, de l’eau, de l’air et des biodéchets. Une solution viable, à une période où l’on manquera, progressivement, d’énergies fossiles, et parce que l’on doit de toute façon s’en passer pour limiter le réchauffement climatique. « L’agriculture française reflète les habitudes des consommateurs, rappelle Le Fournis.

J’aimerais aller vers des modèles plus extensifs mais regardons aussi la réalité en face: tout le monde ne peut se permettre de manger de la viande tous les jours! Et le consommateur est-il prêt à payer plus cher? » Pour notre témoin, il est indispensable de raisonner à l’échelle mondiale. « La France, si elle arrête l’élevage intensif, subira la concurrence d’autres marchés, comme le Mercosur, donc la France arrêterait de produire en élevage intensif mais en importerait à des fins de consommation. Absurde, non? » Un constat que les défenseurs d’un renversement de modèle fustigeraient: au nom du marché, fonçons dans le mur, c’est cette croissance de type PIB qu’il faut abandonner! Avec cette exigence qui grandit chaque jour: l’enjeu du bien-être animal – au-delà celui de l’humain – vaut la peine que l’on y réponde.

 

Faire bouger les sillons

Question: les agriculteurs disparaissent peu à peu du paysage, les exploitations sont abandonnées, vendues aux promoteurs ou accroissent les fermes intensives. À quand une France sans agriculteurs? « La moitié des agriculteurs partiront à la retraite en 2030, remarque notre interlocuteur. Certes. Mais on le sait, donc on peut anticiper. Je crois dans le renouvellement des générations. Je m’attends à de nouvelles compétences, un renouveau. Naguère, les agriculteurs vivaient essentiellement en autarcie. C’est donc une opportunité pour l’agriculture, car ce sera le moment de faire bouger les lignes. » On ne voit toujours pas clairement comment.

Geoffrey Wetzel

 

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