Jeune et déjà très
récompensée !
• Nommée parmi les « 30
Under 30 » du magazine
Forbes en 2021
• Nommée pour la
finale des Trophées
Optimistes 2022/23 du
magazine ÉcoRéseau
Business, catégorie
« Initiative positive »
• Deuxième au classement
Favikon 2022 des
entrepreneurs français
les plus influents sur
LinkedIn, catégorie
« entrepreneuriat »

Est-ce Maud Caillaux qui est en avance ou les autres banques qui sont en retard ? Sans doute un peu des deux. Á l’heure où l’on associe, sans broncher, jeunesse et paresse – au motif que les jeunes générations aspirent à travailler autrement – il est de ces jeunes justement qui bâtissent le monde de demain. Maud Caillaux a d’abord connu le secteur du luxe, mais l’atmosphère façon « Le Diable s’habille en Prada » a eu raison de la jeune femme. Cette franco-iranienne, diplômée d’une école de commerce, a grandi en Bourgogne. Et elle espère que sa région natale reste comme elle a toujours été. C’est pourquoi elle cofonde en 2019 Green-Got, une néobanque verte. Son crédo : changer de banque pour changer le monde. Car oui, contrairement aux banques traditionnelles, Green-Got finance des projets à impact positif – et non fossiles. Réduire sa consommation de viande c’est bien. Rouler à l’électrique c’est bien aussi. Mais si vous laissez de l’argent « dormir » sur un compte d’une banque qui finance ce qui causera l’essorage de notre planète demain, et bien cela ne sert plus à grand-chose. Entretien.

L’attachement à votre Bourgogne natale et la rencontre avec Andréa, ne sont-ce pas là les prémices de Green-Got ?

« Certains ont arrêté de prendre l’avion,
d’autres ont cessé de recourir à la voiture au profit du vélo. Ils savent que ça compte et qu’il y a un vrai impact. D’autres sont devenus végétariens, achètent local […]
On est très nombreux à faire des efforts au quotidien pour tenter de minimiser notre
empreinte sur l’environnement.

Problème, subsiste un geste dans notre quotidien qui annule tous les autres et qui émet davantage de CO2 que toutes les
initiatives combinées. Et bien c’est son argent à la banque. Aujourd’hui le
premier geste écolo, c’est changer de banque ! »
Maud Caillaux, lors
de son invitation au
TEDx de Grenoble École
de Management

Si, sans doute. Je suis vraiment très attachée à ma Bourgogne. Ma mère a vécu en Iran, et elle me raconte la chance que cela représente de vivre sur des terres aussi vertes et paisibles. Quand vous grandissez au milieu de la nature, des paysages de l’Auxois, vous avez forcément une enfance heureuse. C’était mon cas. Cet endroit dans lequel j’ai vécu doit rester comme il a toujours été. Problème, à l’échelle de ma courte existence, on ne va pas dans le bon sens. Au fil des années, j’observe des différences immenses. La sècheresse et donc des collines un peu moins vertes. De moins en moins d’hirondelles, et de neige à Noël… Le réchauffement climatique est l’affaire de tous, ma Bourgogne elle non plus n’est pas épargnée.

Andréa (Ganovelli, ndlr), je l’ai rencontré à New York. Lorsque j’y travaillais pour le compte d’une banque, plus traditionnelle. On se demandait sans cesse : les rapports sur le réchauffement climatique se succèdent pour aboutir aux mêmes conclusions. Et les banques continuent de financer les projets fossiles, étonnant, est-ce si grave que cela donc ? Bien sûr que c’est grave. J’ai pris une claque écologique à l’écoute d’un discours d’Aurélien Barrau (astrophysicien et lanceur d’alerte écolo, ndlr) qui rappelait qu’il n’y avait qu’une différence de 6 degrés entre aujourd’hui et la dernière ère glaciaire il y a 20 000 ans, j’ai mis cela en perspective avec les +2, +3 et même +4 degrés que nous annoncent les scientifiques, et j’ai compris que sans action concrète, tout allait changer…

Green-Got, concrètement, comment cela fonctionne ?

Pourquoi
Green-Got ?
« Lingot » en
anglais se dit
« ingot » et en
association avec
l’aspect vert de
la banque, le nom
se transforme
alors en « lingot
vert ». Rien avoir
avec Gringotts
dans la célèbre
saga Harry
Potter donc ?

C’est très simple, comme vous pouvez le savoir, l’argent que vous déposez sur un compte bancaire, en réalité, ne dort jamais. Il sert à votre banque à financer des projets fossiles, qui participent à réchauffer notre planète. Contrairement à Green-Got qui ne finance que des projets à impact positif : comme la lutte contre la déforestation en Amazonie, la dépollution des océans ou encore la défense de l’agroforesterie.

On nous dit souvent qu’il faut réduire sa consommation de viande, ne plus voyager en avion et un tas d’autres initiatives liées à la préservation de l’environnement… or laisser 25 000 euros dormir sur un compte dans l’une des quatre grandes banques françaises équivaut à 12 tonnes de CO2 rejetées par an. Oui, quand on remonte le fil d’Ariane, la lutte contre le réchauffement climatique passe avant tout par un changement radical de la finance. Mais ce chiffre-là, que je viens de mentionner, les Français ne l’ont pas en tête. Encore aujourd’hui, hélas, l’argent sert à financer des choses qui ne sont plus à la page. On nous voyait comme des hippies au départ, mais ça change, les grandes banques sont bel et bien obligées de rendre des comptes sur leurs financements et c’est tant mieux. Espérons qu’elles n’en restent pas au volet communication mais que les actes suivent.

Maud caillaux carte

Quel est votre coeur de cible ?

Les personnes qui nous rejoignent ont la plupart du temps entre 30 et 40 ans. Bien sûr, une banque 100 % en ligne peut effrayer les plus âgés, même si notre service client reste joignable 7 jours sur 7, ils ont leurs habitudes et c’est difficile de les bousculer. Nous avons franchi le cap des 12 000 clients. Pour ceux que l’on accueille, soit ils abandonnent complètement leur compte courant qu’ils avaient ouvert au sein d’un établissement bancaire classique, soit ils ouvrent un compte chez nous tout en gardant l’ancien pour opérer la transition plus en douceur. À Green-Got aujourd’hui, nous comptons 35 collaborateurs.

L’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, c’est une bonne chose pour vous ?

C’est surtout une très bonne nouvelle pour l’environnement. Notre principal combat, ce pourquoi nous avons cofondé Green-Got avec Andréa. C’est clair que si dans dix ans on est toujours la seule banque verte ou qu’on les compte sur les doigts d’une main, j’ai bien peur que l’on se retrouve les pieds dans l’eau.

Que pensez-vous des COP, sont-elles réellement utiles ? Ne pensez-vous pas faire de la politique pour porter votre combat encore plus haut ?

Hélas, dans leurs conclusions elles sont souvent décevantes. Mais elles ont le mérite d’exister… si ce n’était pas le cas on critiquerait aussi. Le défi est immense, alors il ne faut pas s’attendre à des solutions miracles. Tout ne doit pas reposer sur les COP. Tout ne doit pas
reposer sur les politiques. Je crois qu’il faut davantage compter sur les entrepreneurs pour faire bouger les lignes. Si un jour je dois absolument entrer en politique pour accélérer la lutte, j’irais. Mais je ne crois pas être la mieux armée sur ce terrain. L’entreprise, ça va plus vite. On peut fixer les règles du jeu soi-même. On a un projet et on crée.

Ultime question, est-ce qu’il n’est pas trop tard pour inverser la tendance ?

Non il n’est pas trop tard ! Pour une raison simple : un réchauffement de 2, 3,ou 4 degrés ce n’est pas la même chose. Le climat, ce n’est pas noir ou blanc. Indispensable de poursuivre l’éducation sur le sujet. Personne ne sera épargné. Car si les pays du Sud seront sans doute les premiers concernés à subir les conséquences du réchauffement, il faudra bien trouver une solution pour accueillir ces réfugiés climatiques. Que fera-t-on des 300 millions de réfugiés qui se profilent à horizon 2050 ? Alors il est préférable d’anticiper.

Propos recueillis par Geoffrey Wetzel

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